par Patricia Ford, dimanche 10 avril 2011, 05:38
Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi la publicité fonctionnait si bien ? Moi, je me suis longtemps demandé pourquoi on continuait à nous matraquer de publicités débiles, alors que tout le monde affirme qu’elles sont débiles.
La réponse est simple : nos professionnels du marketing usent et abusent de différentes techniques de manipulation pour vous faire accepter et apprécier leurs produits.
« Pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible. C’est à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages de pub. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau disponible. »
A partir de cette citation de Patrick Le Lay, PDG de TF1 en 2004, tout est dit, ou presque. La publicité dans les médias serait l’art de « perméabiliser le cerveau humain ». Lui donner la possibilité de retenir vite et bien.
Cette phrase de Mr Le Lay, vous l’imaginez bien, a fait polémique en 2004.
Le big-bang publicitaire, les années 1940.
Les publicités ont vu le jour dès les premiers temps de la télévision. A cette époque, les messages publicitaires étaient explicites : on détaillait aux téléspectateurs les qualités du produit, et le spot s’arrêtait là.
C’est aux états-unis, en 1930, que les premiers signes de faiblesse économiques sont apparus. Les autorités ont alors cherché un moyen rapide et efficace de pousser les gens à la consommation : la bonne vieille publicité ne suffisait plus, il fallait une nouvelle arme !
Les publicitaires de l’époque feront alors appel aux motifs inconscients et viscéraux de la population. Si le consommateur n’a pas objectivement besoin d’une nouvelle voiture, il en aura affectivement besoin. Malin non ?
1) Une technique de manipulation simple : vous rendre jaloux.
Les slogans sont passés de « La nouvelle berline X vous assurera confort et sécurité » à « Savez vous qu’il est indispensable d’avoir la nouvelle berline X ? Avez-vous vérifiez que votre voisin ne l’a pas déjà ? ». Ces petites remarques stimulent ce que les psychologues appellent « la comparaison sociale » . L’homme est un être avide de supériorité, et voudra toujours avoir mieux que le voisin.
2) Une technique de manipulation fourbe et psychologique : la congruence « programme publicité ».
Vous vous promenez dans un super-marché à la recherche de la bouteille de Soda que vous achetez habituellement. Mais cette fois, votre regard dévie sur une autre bouteille. Le logo vous rappelle quelque chose, et vous décidez de la choisir ELLE. En sortant du magasin, vous vous demandez bien où vous avez pu voir le logo de cette nouvelle marque de Soda…
Cette situation peut vous paraitre grossière mais réfléchissez bien, je suis persuadé que vous avez déjà été victime d’un tel engouement pour un nouveau produit, sans trop vous l’expliquer. C’est évidemment dans un spot publicitaire que vous avez remarqué pour la première fois le logo du produit en question. Mais comment se fait-il que votre cerveau s’en soit rappelé d’une manière relativement inconsciente ?
C’est l’effet de la congruence « programme – publicité », soit un habile montage d’images qui vous fera plus facilement mémoriser le contenu des publicités.
Prenons un exemple fictif : vous attendez votre film du soir en visionnant quelques pages de publicités, dont une pour un fameux soda, mais vous n’y prêtez pas particulièrement attention. Ah, votre film commence ! Dès les premières scènes, on peut y voir des adolescents s’amusant et buvant une boisson s’apparentant à du Coca Cola. Là encore, vous n’y prêtez aucune attention particulière; pourtant votre mémoire vient d’être sollicitée. C’est l’effet de la congruence programme-publicité, qui consiste à diffuser un programme en relation avec les pages publicitaires qui l’ont précédé afin d’implanter dans le cerveau du téléspectateur le souvenir de la marque. C’est ce que prouve l’expérience suivante :
Le psychologue Adrian Furnham a fait visionner à 79 volontaires un feuilleton télévisé qui était selon les cas précédé d’une pub pour de la bière ou suivit d’une pub pour de la bière. Ce même feuilleton montrait à plusieurs reprises des jeunes buvant de la bière dans une ambiance festive et dynamique.
Il a remarqué que les volontaires avaient mieux retenus la publicité lorsque celle ci avait été diffusé avant le feuilleton. Ces volontaires manifestaient une plus grande intention d’achat que les autres, qui n’avaient que de vagues souvenirs du spot.
Selon Adrian F., le feuilleton produit un effet d’encrage mnésique qui réactive des images mentales de la bière vue dans la publicité. Au contraire, lorsque la pub est diffusée après le feuilleton elle produit un effet de saturation : elle ne peut réactiver que les images de la bière vu dans le film, qui ne comporte aucune marque.
3) Une technique de manipulation sournoise : mettre vos sentiments à l’épreuve.
C’est une notion simple, un exemple suffira à l’illustrer : il y a quelques années, le gouvernement a diffusé un spot publicitaire dans le cadre d’une campagne de sécurité routière; des images chocs, limite insoutenables. Et c’est exactement 2 pages de pub plus tard que l’ont pouvait admirer un magnifique spot vantant les mérites du dernier 4×4 Toyota. L’effet recherché est simple : sensibiliser le téléspectateur sur les dangers de la route, et lui offrir sur un plateau, quelques secondes plus tard, la solution au problème; c’est à dire une grosse voiture dans lequel rien ne peut lui arriver.
Pour montrer cet effet d’amorçage cognitif, deux psychologues de l’université de Séoul ont fait visionner un spot « choc » sur les dangers de la route à une partie des volontaires et un document sur le pétrole et la pollution à l’autre partie des volontaires. Suite à cela, ils ont fait remplir le même question à tous les volontaires afin d’évaluer leurs intentions d’achat vis à vis d’un 4×4. Les volontaires du premier groupe (spot choc) ont manifesté de fermes intentions d’achats, contrairement à ceux du second groupe qui disaient ne jamais acheter de 4×4 (à cause de la consommation d’escence!). En effet, ceux du premier groupe n’ont retenu que l’enjeux sécuritaire du 4×4 et ceux du seconde groupe le soucis de pollution lié au 4×4 : c’est le principe de l’amorçage cognitif.
4) Une technique de manipulation assez incroyable : jouer avec égocentrisme du téléspectateur.
Lors d’une expérience, il a été montré que l’argent avait pour effet de rendre les cobayes plus solitaires, plus égocentriques. (le mythe de l’homme riche et seul ?)
Lors de cette expérience, les volontaires ont été divisé en deux groupes. Le premier groupe se voyait diffuser diverses images dans lesquels ont pouvait apercevoir des symboles de la richesse. (des $, des billets etc…) Le second groupe a été soumis aux mêmes images, auxquelles les psychologues ont « gommé » ces symboles de richesse.
Suite à cela, on a fait deux expériences :
Dans la première, tous les volontaires étaient invités à rejoindre uns à uns, une salle d’attente où se trouvaient déjà d’autres personnes. Ceux ayant visionné les images avec les symboles avaient tendance à choisir une chaise située loin des autres personnes. Ceux de l’autre groupe avaient tendance à prendre la première chaise qu’ils voyaient, proches des autres personnes. (cette chaise était aussi accessible pour les volontaires du premier groupe !)
Dans la seconde expérience, les volontaires étaient invités à sortir du bâtiment en empruntant un couloir. Dans ce couloir, un sujet de l’expérience (un acteur si vous voulez) faisait tomber son pot à crayons. Les personnes ayant vu les symboles de la richesse dans les images n’ont pour la plupart pas aidé le sujet à ramasser ses crayons. Les autres l’ont pour la plupart aidé.
Du coup, il n’est pas rare de voir des jingles télévisuelles faisant référence à l’argent (exemple : le texte « PUB » écrit en lingot d’or). Ceux ci prépare le cerveau aux spots publicitaires qui vont venir et vous pouvez être sûr que ces spots traiteront : soit d’un produit cosmétique, soit d’un produit amincissant… Du coup, dans une optique d’égocentrisme, la plupart des téléspectateurs se verront plus facilement touchés par ces produits de bien-êtres qu’ils voudront aussi tôt acquérir pour le plus grand bonheur de le corps merveilleux. (sic)
5) Une autre technique jouant sur l’émotion : le conditionnement associatif.
Le conditionnement associatif est mis en avant la plupart du temps grâce à la musique. On vous diffuse une publicité avec une musique qui vous plait : vous aurez alors associé le produit à quelque chose de plaisant, que vous aimez. L’expérience suivante le montre :
On a présenté à 223 volontaires des stylos identiques de coloris différents : un bleu, un beige. On leur a demandé d’étudier ces stylos, de les essayer… Quand un volontaire essayait le stylo bleu, on diffusait dans la pièce une musique hindou assez dissonante pour une oreille occidentale. Quand un volontaire essayait le stylo beige, on diffusait une musique populaire agréable et entrainante. Suite à cela, on a distribué aux volontaires un questionnaire afin de savoir quel stylo ils ont préféré, et combien ils seraient prêt à investir pour les acquérir.
Une grande majorité de volontaires ont préféré le stylo beige et serait prêt à investir dans cet objet. Très peu de volontaires ont choisis le stylo bleu. Pour confirmer cette étude, l’expérience a été tenté en inversant les musiques et les stylos : c’est toujours le stylo étudié avec un fond de musique populaire qui l’a remporté.
Cet article et celui de la semaine dernière vous offre un large panel des techniques de manipulation utilisées par les grands médiaux.
L’article de demain n’aura aucun lien avec la manipulation médiatique. Il sera plus psychologique :